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Chapitre 26

Vers la Quatrième Guerre mondiale

Depuis septembre 2001, l’Iran est comme l’Irak placé dans la ligne de mire des néoconservateurs. Ceux-ci semblent faire écho au premier ministre israélien Ariel Sharon, qui dans le Times de Londres du 2 novembre 2002 déclare l’Iran « center of world terror » et appellent à des menaces contre l’Iran « le lendemain de l’attque de l’Irak . » L’invasion de l’Irak s’avérant plus longue et coûteuse que prévue, le projet d’agression de l’Iran fut retardé mais non pas annulé. L’opinion publique est maintenue sur le pied de guerre par des accusations diverses. Certains néoconservateurs comme Kenneth Timmerman, membre dirigeant du JINSA, prétendent que l’Iran a protégé Ben Laden et collaboré avec Al-Qaïda (Countdown to Crisis: The Coming Nuclear Showdown With Iran, 2005). Le 25 octobre 2007, le Sénat vote l’amendement Kyl-Lieberman qui place le corps des Gardiens de la Révolution, une unité d’élite du régime iranien, sur la liste noire des organisations terroristes, une manœuvre destinée à justifier par avance une guerre préemptive.


L’incapacité des troupes américaines à mater la résistance en Irak oblige à reporter à plus tard les projets d’agression de l’Iran. Mais Daniel Pipes fait de mauvaise fortune bon cœur, et se réjouit dans le New York Sun (28 février 2006) que la guerre civile irakienne va inviter « la participation de la Syrie et de l’Iran, ce qui hâtera la possibilité d’une confrontation américaine avec ces deux États . » Au printemps 2008, le président Bush reprend publiquement ce nouveau refrain néoconservateur : « Le régime de Téhéran a un choix à faire […]. Si l’Iran fait le mauvais choix, l’Amérique agira pour protéger nos intérêts et nos troupes et nos partenaires irakiens . » Il faut pourtant rappeler qu’en mai 2003, le gouvernement iranien a transmis à Washington, par l’intermédiaire de l’ambassadeur suisse à Téhéran, une proposition connue sous le nom de « Grand Bargain » par laquelle l’Iran, en échange de la levée des sanctions économiques à son encontre, s’engageait à coopérer avec les États-Unis pour stabiliser l’Irak et y établir une démocratie laïque, et se disait prêt à d’autres concessions incluant la paix avec Israël. Powell fut empêché par Bush et Cheney de répondre favorablement à cette demande. Ainsi, résume son Chief of Staff Lawrence Wilkerson : « La cabale secrète a eu ce qu’elle voulait : pas de négociation avec Téhéran . »


Parallèlement, de faux prétextes de guerre sont régulièrement créés. On sait grâce à Gwenyth Todd, conseillère sur le Moyen Orient attachée à la US Navy Fifth Fleet stationnée dans le Golfe persique, qu’à peine nommé commandant de cette flotte en 2007, le vice-amiral Kevin Cosgriff ordonna des manÅ“uvres agressives de ses portes-avions et autres navires dans le but de faire paniquer les Iraniens pour qu’un tir de leur part permette de déclencher la guerre voulue par le lobby pro-Israël. Cosgriff voulait « mettre pratiquement une armada sur le seuil de l’Iran, sans prévenir » « put a virtual armada, unannounced, on Iran’s doorstep », sans même en avertir Washington, selon le Washington Post du 21 août 2012. Le 6 janvier 2008, le Pentagone annonce que des vedettes iraniennes ont fait feu sur les navires américains USS Hooper et USS Port Royal en patrouille dans le détroit d’Ormuz, tout en émettant des messages de menace tels que : « I am coming to you » et « You will explode after two minutes. » Les télévisions montrèrent l’un des bateaux iraniens déposant de petits objets blancs dans l’eau, présentés comme des mines. Évoquant cet incident exceptionnellement « provocative and dramatic », le chairman des Joint Chiefs of Staff Mike Mullen se dit préoccupé par « la menace posée par l’Iran » et notamment « la menace de miner le détroit » et se dit prêt à utiliser s’il le faut « la force mortelle  ». En réalité, l’incident était totalement faux. Les vedettes iraniennes, qui patrouillent quotidiennement cette zone et y croisent régulièrement des navires américains, n’avaient émis aucune menace. Le vice-amiral Cosgriff admit que les équipages américains n’avaient rien noté d’inquiétant, les vedettes iraniennes ne possédant « ni missile anti-navires, ni torpilles . » Les messages radios menaçants n’émanaient pas de ces navires : « Nous ne savons pas d’où ils provenaient , » admit la porte-parole de la Cinquième Flotte Lydia Robertson.


Les élections iraniennes de 2009 et la contestation qui s’en suivit à Téhéran furent l’occasion d’une nouvelle guerre psychologique utilisant les réseaux sociaux par internet et relayée par les médias américains. En quelques jours, la mort d’une jeune femme durant les manifestations est exploitée comme symbole de l’oppression du régime islamique. Neda Agha-Soltan aurait été tuée le 20 juin 2009 par un sniper de la milice paramilitaire, alors qu’elle venait de sortir de voiture avec son professeur de musique. La vidéo de son agonie filmée en direct par téléphone portable fait instantanément le tour du monde sur Facebook puis YouTube. Plusieurs rassemblements ont lieu en son honneur dans le monde. On parle de lui décerner le Prix Nobel de la Paix. Son fiancé, un photographe du nom de Caspian Makan, rencontre Shimon Pères en Israël et lui déclare : « Je viens à Israël comme un ambassadeur du peuple iranien, un messager du camp de la paix. » Il ajoutera : « Je n’ai aucun doute que l’esprit et l’âme de Neda était avec nous lors de cette rencontre présidentielle ». Malheureusement, les invraisemblances s’accumulent : 1) il existe en fait trois vidéos de l’agonie de Neda, qui ressemblent à plusieurs « prises » de la même scène. 2) Une interview à la BBC du docteur qui assista à sa mort est truffée de contradictions. 3) L’autopsie a conclu que Neda avait été tuée à bout portant. 4) Enfin, le visage devenu icône planétaire est en réalité celui d’une autre jeune fille, Neda Soltani.


Enfin, l’Iran est mis en accusation depuis le début de la première présidence Bush pour son programme de recherche nucléaire civil, accusé d’être secrètement militaire. La publication en 2005 d’un premier rapport alarmiste National Intelligence Estimate (NIE), a fait l’objet d’un intense battage médiatique, tandis que sa révision à la baisse en 2007 a été passée sous silence, tout comme le fait que les guides religieux de l’Iran, àcommencer par l’Ayatollah Khomeini, ont émis plusieurs fatwa interdisant les armes nucléaires et autres armes de destruction massive. Pendant ce temps, rien n’est murmuré du programme israélien, illégal et toujours inavoué, qui a doté Israël d’un stock évalué à ce jour à 200 bombes atomiques.


La guerre et la dislocation de l’Irak sous le prétexte d’armes de destruction massive inexistantes, puis la menace d’en découdre avec l’Iran sous le prétexte d’un programme d’armement nucléaire introuvable, témoignent tous deux d’une volonté d’embraser le Moyen Orient et non pas d’en contrôler les ressources, encore moins de le stabiliser. Michael Ledeen lui-même le proclame dans son article « The War on terror won’t end in Baghdad » du Wall Street Journal du 4 septembre 2002 : « Nous ne voulons pas la stabilité en Iran, Irak, Syrie, au Liban, et même en Arabie saoudite : nous voulons que les choses changent. La vraie question n’est pas si, mais comment déstabiliser . »


Tout comme certains néoconservateurs voient dans l’échec des forces américaines en Irak un prétexte pour menacer l’Iran, d’autres font de l’échec à trouver les « armes de destruction massives » de Saddam un prétexte à accuser la Syrie. En 2003, ils répercutent les allégations ridicules d’Ariel Sharon, qui affirme que l’Irak les a transférées secrètement en Syrie ainsi que les savants qui vont avec. Le 11 novembre 2003, le Congrès vote le Syria Accountability and Lebanese Sovereignty Restoration Act, imposant des sanctions économiques « pour forcer la Syrie à arrêter son soutien au terrorisme, mettre un terme à son occupation du Liban, stopper son développement d’armes de destruction massive. » L’agression contre la Syrie ne sera déclenchée qu’en 2002, sous le déguisement d’une guerre civile, mais elle était préméditée au moins depuis février 2000, lorsque David Wurmser, dans un article pour l’American Entreprise Institute intitulé « Let’s Defeat Syria, Not Apease It », appelait de ses vœux le conflit qui fera que « bientôt la Syrie sera saignée à mort. »


Quel peut bien être la motivation d’une telle entreprise ? Une folie meurtrière ? Bien au contraire, il s’agit d’un projet rationnellement conçu par un groupe d’hommes supérieurement intelligents, dans un but précis et parfaitement réaliste. Quel est ce but ? Oussama Ben Laden répondit à cette question dans une tribune publiée par le journal arabe londonien Al-Quds al-Arabi le 23 février 1998 (et traduit partiellement par Bernard Lewis dans Foreign Affairs, nov-déc 1998). Se référant à « the Crusader-Jewish alliance », Ben Laden évoque « leur tentative de démembrer tous les États de la région, tels que l’Irak et l’Arabie saoudite, l’Égypte et le Soudan, en de petits États, dont la division et la faiblesse assureraient la survie d’Israël. » En effet, ce que semblent vouloir déclencher les comploteurs sionistes est une guerre mondiale d’où sortiront affaiblis et morcelés tous les ennemis d’Israël, pour des décennies à venir, de sorte qu’Israël pourra même se passer des États-Unis, ruinés par leurs dépenses militaires comme le fut l’URSS dans les années 80, et de surcroît détestés à travers le globe. Plus rien ne s’opposera alors à la phase finale du plan sioniste, consistant à parachever le nettoyage ethnique et annexer la totalité de la Palestine. Nons sans ironie, le néoconservateur Stephen Schwartz, auteur de The Two Faces of Islam: The House of Saud, from Tradition to Terror (2003), attribue à l’Arabie saoudite le dessein de vouloir répandre la terreur par le monde (tout en la reconnaissant « incapable of defending its own territory »), rejetant ainsi sur l’Islam la responsabilité de la guerre mondiale qu’il appelle de ses voeux : « La guerre contre le terrorisme wahhabite est donc une guerre à mort, tout comme la Seconde Guerre mondiale était une guerre à mort contre le fascisme . »
Dans un article du Wall Street Journal du 20 novembre 2001, le néoconservateur Eliot Cohen parle de la guerre contre le terrorisme comme « World War IV », et le terme sera repris par d’autres néoconservateurs. En septembre 2004, un colloque néoconservateur à Washington incluant Norman Podhoretz et Paul Wolfowitz s’intitulait « World War IV: Why We Fight, Whom We Fight, How We Fight ». Cohen y déclarait : « The enemy in this war is not ‘terrorism’ […] but militant Islam. » Comme la Guerre froide (assimilée à une troisième guerre mondiale), la Quatrième Guerre mondiale vue par Cohen a des racines idéologiques, sera globale et durera longtemps, impliquant de nombreux types de conflits. Le thème de la Quatrième Guerre mondiale a été également popularisé par Norman Podhoretz, dans son article « How to Win World War IV » paru dans Commentary en février 2002, suivi par un second article en septembre 2004, « World War IV: How It Started, What It Means, and Why We Have to Win », et pour finir un livre intitulé en 2007 World War IV: The Long Struggle Against Islamofascism.


 

La subtile rhétorique belliciste de Netanyahou contre l’Iran fut froidement accueillie aux Nations Unies le 27 septembre 2012. 

Teaser to documentaire Untold Truths (2013) sur Gwenyth Todd basé sur le témoignage de Gwenyth Todd.

Ariel Sharon est surnommé « le boucher de Sabra et Chatila » en souvenir du massacre de deux camps de réfugiés palestiniens de Beyrouth-Ouest du 16 au 18 septembre 1982. Comment s’étonner que son fils Gilad suggère dans le Jerusalem Post du 18 novembre 2012 : « Flatten all of Gaza. The Americans didn’t stop with Hiroshima – the Japanese weren’t surrendering fast enough, so they hit Nagasaki, too. »

Le visage volé de Neda Soltani. Celle-ci tenta en vain de faire supprimer sa photo sur le net, et, sentant sa vie en danger, s’est résignée à s’expatrier en Allemagne, où elle écrit son témoignage, Mon visage volé.

Le 1er février 2007 devant le Senate Foreign Relations Committee, Brzezinski dénonce la guerre d’Irak comme « a historic, strategic, and moral calamity […] driven by Manichean impulses and imperial hubris. » Il voit venir la suite : « Un scénario possible pour un affrontement militaire avec l’Iran impique que l’échec irakien atteigne les limites américaines ; suivi par des accusations américaines rendant l’Iran responsable de cet échec ; puis, par quelque provocation en Irak ou un acte terroriste sur le sol américain qui serait imputé à l’Iran. Ceci pourrait culminer avec une action militaire américaine ‘défensive’ contre l’Iran qui plongerait une Amérique isolée dans un profond bourbier englobant l’Iran, l’Irak, l’Afghanistan et le Pakistan . »

L’Iran compte la plus large population juive du Moyen Orient après Israël. Malgré des incitations financières de la part d’Israël pour émigrer, ces 30 000 juifs, restés majoritairement antisionistes, ont toujours refusé de quitter leur pays. Ce fait colle mal avec l’accusation réitérée de Netanyahou que le président Ahmadinejad, tel un nouvel Hitler consumé par une haine des juifs, « prépare un nouvel holocauste de l’État juif  » (Ha’aretz, 14 novembre 2006).

50 ANS D'ETAT PROFOND

de l'assassinat de Kennedy au 11-Septembre

(comparaison et perspective)  

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​"Une pilule rouge pour Forrest Gump"​ â€‹â€‹ 

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