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Chapitre 19

Al-Qaïda, l'ennemi à tout faire

Les comploteurs contre Kennedy en 1963 ont choisi leur patsy non seulement pour éloigner d’eux les soupçons, mais aussi pour les diriger vers un complot imaginaire justifiant une guerre de représailles, en l’occurrence contre la République de Cuba. Il en va de même pour les patsies du 11-Septembre, à la différence qu’ils sont censés appartenir à une organisation transnationale, un ennemi diffus qu’on peut à tout moment pointer du doigt dans n’importe quel pays. Al-Qaïda est le couteau suisse de la propagande guerrière. Si elle n’existait pas, il faudrait l’inventer. C’est bien d’ailleurs ce qui a été fait, comme l’affirment bon nombre d’experts. Alain Chouet, directeur à la DGSE de 2000 à 2002, dénonce (devant la Commission des Affaires étrangères du Sénat le 29 janvier 2010)  l’ « obstination incantatoire des Occidentaux à invoquer l’organisation mythique », avec comme double effet pervers d’encourager les terroristes ou simples kidnappeurs locaux à se revendiquer d’Al-Qaïda pour être pris au sérieux, et d’encourager les régimes musulmans à désigner leurs opposants comme membres d’Al-Qaïda pour mieux les réprimer, si possible avec l’assistance des Occidentaux. Al-Qaïda est, pour l’essentiel, un mythe créé en janvier 2001, à l’occasion du procès de quatre hommes soupçonnés dans les attentats à la bombe contre les ambassades américaines du Kenya et de Tanzanie en 1998. C’est alors que le FBI a inventé, pour les besoins juridiques de l’accusation, l’idée d’une organisation structurée sous les ordres de Ben Laden, à laquelle on donna arbitrairement le nom d’Al-Qaïda (littéralement, « la liste »), que n’a jamais employé Ben Laden. Cette idée reposait exclusivement sur le témoignage de Jamal al-Fadl, un ancien associé de Ben Laden qui l’avait quitté après l’avoir volé, et qui reçut 100 000 dollars du gouvernement américain en échange de son témoignage. Une fois inventée, Al-Qaïda sera invoquée à chaque fois que le FBI, la CIA ou toute autre organisation trouvera avantageux de mettre un attentat sur le compte du terrorisme mondial.


Au lendemain du 11-Septembre, c’est d’abord l’Afghanistan qui est mis en accusation, puisque c’est là qu’Oussama Ben Laden se trouve alors. Ben Laden est proche du Mollah Omar, le chef du régime des Talibans, depuis 1996. Ben Laden lui a prêté allégeance en 1997 et a épousé une de ses filles. C’est donc logiquement contre l’Afghanistan qui protège Ben Laden et refuse de le livrer que s’exerce en premier la vengeance américaine.


Derrière Ben Laden, il y a les Talibans. Mais derrière les Talibans, il y a le Pakistan, qui a soutenu leur combat et leur régime, avec l’aide des fonds américains transitant par lui. C’est donc également le Pakistan qui est indirectement mis en accusation après le 11-Septembre. Aucune accusation officielle n’est portée, mais des fuites organisées dans la presse évoquent une complicité de l’ISI dans le 11-Septembre. Le général Ahmed Mahmoud, directeur de l’ISI, est mis en cause par une information rapportée d’abord par The Times of India le 9 octobre 2001 : « Les autorités américaines ont cherché à l’évincer après avoir eu confirmation que 100 000 dollars ont été transférés au terroriste Mohamed Atta depuis le Pakistan par Ahmed Omar Saïd Sheikh [agent de l’ISI] à la demande du général Mahmoud . » Si Mohamed Atta est lui-même un patsy, cette information fuitée ne peut être interprétée que comme un moyen de chantage contre l’ISI et l’État pakistanais pour les forcer à coopérer avec les États-Unis dans la destruction du régime Taliban. Peut-être l’ISI a-t-elle effectivement versé de l’argent à Atta, lequel aura été choisi comme chef fictif des terroristes précisément pour cette raison. Il est possible que Mahmoud ait été également soumis à un chantage basé sur les preuves de son implication dans l’assassinat de Massoud, qui n’aurait pu être mené à bien sans la participation de l’ISI.


Mahmoud, qui s’était souvent déplacé à Washington depuis 1999, s’y trouvait justement entre le 4 et le 11 septembre 2001. Il aurait alors rencontré George Tenet, directeur de la CIA, Marc Grossman, Under Secretary of State for Political Affairs, et peut-être même Condoleezza Rice, bien que celle-ci l’ait démenti. Au moment des attentats, il participait à un breakfast meeting incluant Bob Graham, président du Senate Intelligence Committee, et Porter Goss, président du House Intelligence Committee ; « Nous étions en train de parler du terrorisme, et en particulier du terrorisme émanant d’Afghanistan , » selon Graham, qui avec Goss sera nommé dans la Commission sur le 11-Septembre On ne sait pas ce qui a été dit à Mahmoud  après la nouvelle des attentats, mais il sera mis à la retraite le mois suivant et s’effacera de la vie politique en rejoignant le mouvement religieux Tablighi Jamaat, une façon d’emporter son secret dans sa tombe.


On imagine sans peine pourquoi le secteur de l’État profond américain qui a orchestré le 11-Septembre a pu vouloir faire pression sur le gouvernement pakistanais : le forcer à s’aligner sur la thèse officielle du 11-Septembre et, plus généralement, reprendre en main cet allié indiscipliné, sous la menace d’être traité en ennemi en cas de refus de coopérer (« soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes »). Mais on peut aussi déceler dans les rumeurs sur les liens entre Al-Qaïda et l’ISI une volonté de nuire aux relations entre le Pakistan et les États-Unis, plutôt qu’à les améliorer. La mise en scène de la capture de Ben Laden tend à le confirmer. Elle a permis d’accuser le Pakistan, après l’Afghanistan, d’avoir abrité Ben Laden pendant une dizaine d’année, ce qui constitue aux yeux des Américains une véritable trahison de la part d’un pays allié. Plusieurs livres défendent cette ligne, comme celui du vétéran de la CIA Bruce Riedel, Deadly Embrace: Pakistan, America, and the Future of Global Jihad (2011). Selon Riedel, la vie tranquille de Ben Laden dans la banlieue d’Abbohabad suggère « un degré incroyable de duplicité » de la part du Pakistan, qui pourrait être « le patron secret du jihad global, à une échelle si dangereuse qu’elle est inconcevable. Nous aurions alors à repenser entièrement notre relation au Pakistan et notre compréhension de ses buts stratégiques . »


Qu’il y ait eu au cœur du complot l’intention de déstabiliser ou fragiliser les relations des États-Unis avec le Pakistan apparaît comme une possibilité. C’est en revanche une certitude en ce qui concerne les relations avec l’Arabie saoudite. Ben Laden est saoudien, et 15 des 19 prétendus pirates de l’air du 11-Septembre sont saoudiens. Cette liste fictive suppose, de la part de celui qui l’a imaginée, une volonté délibérée de nuire à l’Arabie saoudite ou de placer ses gouvernants sous le coup d’un chantage. Mais pourquoi ? Les Saoud ne sont-ils pas, depuis 1975, de loyaux fournisseurs de pétrole ? Comme pour le Pakistan, la Commission sur le 11-Septembre a été informée que des « preuves » existaient d’un financement d’Al-Qaïda par des membres de la famille princière saoudienne. Le rapport final n’en dit rien, mais le commissionnaire Bob Graham s’est chargé d’en informer le public (sans fournir les preuves), dans une interview avec PBS dès décembre 2002, puis dans un livre intitulé Intelligence Matters: The CIA, the FBI, Saudi Arabia, and the Failure of America’s War on Terror (2004), où il dénonce une censure par les agences gouvernementales de 28 pages du rapport de la Commission traitant de l’aide du gouvernement saoudien aux terroristes. « Pourquoi les Saoudiens ont-ils fourni une assistance substantielle à au moins deux des terroristes, et peut-être aux 19 ? » demande rhétoriquement Graham. « La réponse que j’ai trouvé est : la survie — la survie de l’État et la survie de la dynastie Saoud . » Les princes saoudiens (qui avaient déchus Oussama Ben Laden de sa nationalité), sont supposés l’avoir aidé pour éviter qu’il ne s’en prenne à eux et ne déclenche une révolte à l’intérieur du pays. Quant à Bush, il aurait imposé un cover-up de cette connexion en raison de « l’amitié spéciale entre la famille royale et les plus hautes sphères de notre gouvernement national [circonvolution pour désigner le président] . » Ces accusations sont révélatrices d’un rapport de force entre plusieurs acteurs de la politique profonde, exactement comme dans l’étouffement de la pseudo-connexion d’Oswald avec Castro : certains ont voulu impliquer l’Arabie saoudite, tandis que d’autres veulent neutraliser cette piste au nom de l’intérêt national. Il n’est pas difficile de savoir quel clan a intérêt à protéger la famille Saoud : c’est la famille Bush, car c’est elle qui est indirectement visée par les rumeurs de complicité de leurs amis saoudiens avec Al-Qaïda.


Les liens tissés par les Bush avec l’Arabie saoudite sont de notoriété publique. C’est lorsqu’il était directeur de la CIA que George Bush père a établi ses premiers échanges commerciaux avec des familles princières d’Arabie saoudite, notamment les Ben Mahfouz et Ben Laden, par l’intermédiaire d’une entreprise de courtage d’avions (aircraft brokerage) confiée à Jim Bath. Les liens se consolident et se multiplient à la faveur de la Guerre du Golfe, qui permet au président Bush de se poser en protecteur de l’Arabie saoudite. Le groupe Carlyle, dont George Bush père est actionnaire, est au cœur des affaires, et se lie notamment avec un neveu du roi Fahd. Un scandale éclate en mars 2001, lors d’une visite de Bush père (accompagné par John Major) en Arabie saoudite, en tant que responsable du groupe Carlyle. La nature de sa rencontre avec le roi Fahd suscite des interrogations : rencontre diplomatique, voyage d’affaires privées, ou les deux à la fois ? L’ancien président rencontre également à cette occasion la famille Ben Laden, en affaire avec Carlyle depuis 1990. Le 11 septembre 2001, Bush père et Shafig Ben Laden, le demi-frère d’Oussama Ben Laden, participent ensemble à une réunion du groupe Carlyle à Washington, avec plusieurs centaines d’investisseurs. La nouvelle cause un embarras considérable à la famille Bush. Dans la semaine suivante, sur demande de l’ambassadeur d’Arabie à Washington Bandar Bin Sultan (surnommé Bush Sultan en raison de ses liens étroits avec la famille du Président), et en violation de l’interdiction de vol maintenu par la FAA (Federal Aviation Administraiton), un Boeing 747 de la compagnie Saudi Arabian Airlines est autorisé à quitter les États-Unis, emportant 140 Saoudiens, dont Shafig Ben Laden et une vingtaine de membres de sa famille.


L’hypothèse d’un complot interne émanant de l’administration Bush, qui est la conclusion majoritairement admise au sein du 9/11 Truth Movement, se heurte ici à une objection : si la responsabilité d’Ossama Ben Laden est un mensonge préfabriqué par les comploteurs, pourquoi cette thèse officielle contient-elle des éléments potentiellement embarrassants pour l’État saoudien, et donc indirectement pour la famille Bush ? L’implication du clan Bush dans l’organisation du complot (et pas seulement dans sa négation) est hautement probable, étant donné le rôle joué par le frère du Président, Marvin Bush, et son cousin Wirt Walker III, à travers leur société Securacom. Mais le choix d’un Ben Laden comme patsy ne semble pas très judicieux, si l’objectif était de détourner les soupçons loin des Bush. Pour résoudre ce paradoxe, il est nécessaire de sonder les profondeurs du gouvernement Bush. Nous y découvrirons des intérêts divergents et même conflictuels.

Le Rapport de la Commission sur le 11-Septembre, a bâti son accusation de Ben Laden sur le témoignage d’Abou Zoubeida, qualifié d’ « associé d’Al-Qaïda  », d’ « allié de longue date de ben Laden », de «  lieutenant de ben Laden » et de « lieutenant d’al-Qaïda ». Zoubeida, arrêté en mars 2002 (et emprisonné depuis sans procès ni même inculpation), aurait fourni les informations décisives sur Al-Qaïda sous de nombreuses tortures — dont au moins 83 simulations de noyade (waterboarding). Selon le journaliste Gerald Posner (Why America Slept, 2003), il aurait également révélé que des membres de la famille royale saoudienne aidaient financièrement Al-Qaïda (curieusement, Posner était l’auteur en 1993 d’un livre sur l’assassinat de Kennedy défendant la thèse du tireur solitaire, Case Closed). Mais depuis septembre 2009, le gouvernement des États-Unis admet que Zoubeida n’a jamais été un membre ou un associé d’Al-Qaïda et n’avait aucune connaissance du 11-Septembre.

Comble de l’ironie, on apprend en décembre 2012 qu’Al-Qaïda, depuis le Yémen, demande au président iranien Mahmoud Ahmadinejad de cesser de leur contester le mérite des attentats du 11-Septembre en accusant le gouvernement américain d’en être responsable. Ahmadinejad a en effet déclaré devant l’Assemblée des Nations Unies le 24 septembre 2010 : « Quelques éléments à l’intérieur du gouvernement américain ont orchestré l’attentat pour inverser le déclin de l’économie américaine et son emprise sur le Moyen-Orient de manière à sauver le régime sioniste. »

Colonel Pierre-Henri Bunel, ancien agent des services de renseignement français : « La vérité est qu’il n’y a pas d'armée islamiste ou de groupe terroriste appelé Al Qaida. Tout agent de renseignement sait cela ; mais il y a une campagne de propagande pour faire croire au public à la présence d’un groupe, d’une entité identifiée et représentant le 'diable', seulement dans le but de conduire les spectateurs de télévision à accepter un leadership unique international pour lutter contre le terrorisme. »

50 ANS D'ETAT PROFOND

de l'assassinat de Kennedy au 11-Septembre

(comparaison et perspective)  

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​"Une pilule rouge pour Forrest Gump"​ â€‹â€‹ 

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