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Chapitre 15

A comme Afghanistan

Le 7 octobre 2001 est déclenchée l’offensive militaire contre l’Afghanistan, baptisée « Enduring Freedom », officiellement pour capturer Ben Laden. Pourtant, Ben Laden a nié être l’auteur des attentats du 11-Septembre. Entre le 12 et le 28 septembre, il a démenti toute implication à quatre reprises dans la presse arabe. Le 16 septembre, dans un communiqué diffusé sur la chaîne d'information internationale Al Jazeera et relayé par plusieurs médias occidentaux, il déclare : « Je voudrais dire au monde que je n’ai pas orchestré les récents attentats. » Ce même jour, l’agence Afghan Islamic Press reçut un autre démenti de Ben Laden, traduit dans le journal Le Monde du 18 septembre : « Après les dernières explosions qui se sont produites aux États-Unis, certains doigts accusateurs américains nous ont désignés et nous ont accusés d’être derrière [ces attentats]. Les États-Unis nous ont habitués à ce genre d’accusations, chaque fois que leurs ennemis, qui sont nombreux, leur assènent un coup. À cette occasion, j’affirme catégoriquement que je n’ai pas mené cette action [...] ; je suis un adepte du ‘commandeur des croyants’ [mollah Omar, le chef suprême des Talibans] à qui je dois respect et obéissance. Le commandeur des croyants ne permet pas de mener de telles activités à partir de l’Afghanistan. » Ce démenti n’empêche pas le Conseil de sécurité des Nations Unies, le 18 septembre 2001, d’exiger des Talibans la livraison « immédiate et inconditionnelle » de Ben Laden.


Les Talibans refusent de livrer Ben Laden sans preuves de sa culpabilité, mais se montrent prêts à toutes les concessions pour éviter le bombardement et l’invasion de l’Afghanistan. Ils dépêchent un émissaire à Washington, qui propose de faire juger Ben Laden par un tribunal international. Toutes ses propositions sont rejetées sans même être étudiées. Deux semaines après les attentats, le secrétaire d’État Colin Powell affirme dans l’émission télévisée Meet the Press qu’il va présenter les preuves de la culpabilité de Ben Laden. Sans doute ce soldat discipliné, surnommé Forrest Gump par certains détracteurs, a-t-il naïvement cru que de telles preuves existaient. Le lendemain, le président Bush dut le prendre par la main pour qu’il se rétracte : finalement, les preuves sont classifiées et donc inaccessibles au public. Le 28 septembre, dans une interview donnée au quotidien pakistanais Ummat, Ben Laden explique une nouvelle fois : « J’ai déjà dit que je ne suis pas impliqué dans les attaques du 11 septembre aux États-Unis. En tant que musulman, j’essaie au mieux d’éviter de dire des mensonges. Je n’avais aucune connaissance de ces attaques, et je ne considère pas le fait de tuer des femmes, enfants et autres humains innocents comme un acte appréciable. L’islam interdit strcitement de faire du mal à des femmes, enfants et autres gens innocents . »


Ben Laden et les Talibans ont de bonnes raisons de penser que les États-Unis cherchent à reprendre le contrôle de l’Afghanistan sous un faux prétexte. La situation a pour les Afghans un goût amer de déjà-vu. L’histoire superficielle retient qu’après l’invasion de l’Afghanistan par l’armée soviétique en décembre 1979, les États-Unis apportèrent leur soutien à la résistance des moudjahidin. Mais en profondeur, c’est l’inverse qui s’est produit : Zbigniew Brzezinski, National Security Advisor du président Carter, s’est vanté dans une interview au Nouvel Observateur en janvier 1998 d’avoir armé secrètement les islamistes d’Afghanistan dès juillet 1979 par l’intermédiaire des services secrets pakistanais (l’Inter-Services Intelligence, ISI), dans le but d’attirer l’URSS dans « leur guerre du Viêt Nam ». La technique, rôdée au Guatemala et au Chili, consiste à faire tomber un régime en finançant et armant l’opposition, c’est-à-dire à le combattre par guerre civile interposée. En l’occurrence, c’est l’URSS qu’il s’agissait de déstabiliser à travers l’Afghanistan. Du point de vue de Brzezinski, l’Afghanistan, pays arriéré et sans pétrole, n’a été qu’un pion sacrifié sur le « grand échiquier » géostratégique, au prix de la mort et l’exil d’un tiers de sa population. Comme toujours, le trafic de drogue est venu alimenter le trafic d’armes : la production d’opium en Afghanistan est passée d’une centaine de tonnes en 1971 à 800 tonnes en 1979 et 2000 tonnes en 1991. Après le retrait des Soviétiques, les seigneurs de la guerre (warlords) et narcotrafiquants armés jusqu’aux dents plongèrent le pays dans une guerre civile qui tua encore un demi-million de personnes.


Mais il y a encore une profondeur supplémentaire sous l’histoire telle que la dévoile Brzezinski. Grâce à sa collaboration avec la CIA et au détournement d’une partie des fonds américains, l’ISI pakistanaise s’est transformée en une structure tentaculaire, un véritable État dans l’État, avec un personnel estimé à cent cinquante mille hommes. Or son objectif a toujours divergé de celui de son sponsor américain : les États-Unis veulent armer en Afghanitan une résistance anti-soviétique, tandis que le Pakistan veut armer chez son voisin (qui a des revendications sur les régions à majorité pachtoune intégrées au Pakistan en 1947) une force pro-pakistanaise susceptible d’y installer un régime ami. L’ISI a donc canalisé l’aide américaine vers le mouvement extrémiste de Gulbuddin Hekmatyar, qui ne disposait d’aucune base populaire et était donc mieux contrôlable de l’extérieur, au détriment du modéré Ahmed Shah Massoud et son Alliance du Nord, qui était hostiles l’ingérence du Pakistan et culturellement proche de l’Iran. À partir de 1994, les Talibans du Pakistan  armés par l’ISI conquirent l’essentiel du pays, qui devint alors une terre d’accueil pour les extrémistes en tous genres.


Néanmoins, en dépit des condamnations rhétoriques contre leurs atteintes aux droits de l’homme, le régime des Talibans est plutôt vu d’un bon œil à Washington, dans la mesure où la relative stabilité qu’il apporte au pays permet d’envisager la réalisation d’un projet jusque-là en attente : la construction d’un pipeline de pétrole et gaz naturel reliant le Turkménistan à l’Océan Indien, financé par UNOCAL (Union Oil of California). Même si les relations se compliquent en 1998 à cause des attentats contre les ambassades américaines, que certains cherchent à imputer aux Talibans, les négociations se poursuivent tandis que l’aide humanitaire continue d’affluer en Afghanistan : 113 millions en 2000 et à peu près la même chose en 2001. À ses débuts, de février à août 2001, même l’administration Bush intensifie les discussions avec les Talibans à Washington et Islamabad, comme l’ont montré les spécialistes français Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié dans Ben Laden : la vérité interdite. Mais en juillet, les États-Unis perdent confiance dans la capacité des Talibans de stabiliser le pays, et des négociateurs mal-élevés les menacent en ces termes : « Ou bien vous acceptez notre offre d’un tapis d’or, ou bien nous vous enterrerons sous un tapis de bombes . » Les négociations sont rompues et, du jour au lendemain, les Talibans sont perçus comme un obstacle au projet ; l’invasion militaire est programmée. Il ne manque plus qu’un prétexte acceptable aux yeux de l’opinion publique, que fournira amplement le 11-Septembre. Le fait que l’opération est déclenchée moins d’un mois après les attentats suffit à prouver qu’elle était déjà planifiée. Le 10 octobre, trois jours après le début de la guerre, le Département d’État américain informe le ministère du Pétrole pakistanais que le projet de pipeline peut être relancé ; pour faciliter les choses, l’ambassadeur états-unien en Afghanistan, Zalmay Khalizad, et le futur nouveau président, Hamid Karzaï, sont tous deux consultants pour UNOCAL depuis des années.


La responsabilité des Talibans dans les attentats du 11-Septembre sera rendue d’autant plus facile à faire admettre que, deux jours auparavant, un autre crime leur a été imputé : l’assassinat de leur ennemi interne, le commandant Ahmed Shah Massoud. Les assassins étaient deux Tunisiens munis de passeports belges et se faisant passer pour des journalistes, mais armés d’une caméra piégée à l’explosif. Selon la thèse retenue par les médias occidentaux, ces deux suicide-bombers étaient commandités par les Talibans et leur hôte Ben Laden, qui voulaient éliminer Massoud avant de perpétrer leurs attentats sur le sol américain. Ils anticipaient en effet, en représailles du 11-Septembre, une attaque des Américains, qui se seraient alors naturellement alliés à Massoud contre leur régime. Une réflexion minimale suffit à saisir l’absurdité de cette explication : les Talibans, qui n’avaient pas jusque-là réussi à vaincre l’Alliance du Nord de Massoud, n’étaient certainement pas assez idiots pour espérer, une fois débarrassés de lui, tenir en échec l’armée américaine. Il faut en outre se souvenir que Massoud était notoirement hostile aux Américains, qui eux-mêmes ne lui avaient apporté aucun soutien dans la lutte contre les Soviétiques, et pas davantage contre les Talibans. Si Massoud avait été vivant lors de l’invasion des Américains sous mandat de l’ONU en octobre 2001, les États-Unis n’auraient pu s’opposer à ce qu’il devienne le chef légitime du pays : lui seul avait l’aura nécessaire pour unir les différentes factions. Massoud, en De Gaulle de l’Afghanistan, se serait alors érigé en rempart contre la mainmise politique et économique des Américains. Débarrassé de Massoud, l’administration Bush a pu installer Hamid Karzaï, un opportuniste que Massoud avait mis en prison en 1994 sous l’accusation d’être un agent du Pakistan, et qui vivait depuis aux États-Unis. Dans le cadre théorique de la thèse officielle, la question de la culpabilité d’Al-Qaïda dans l’assassinat de Massoud le 9 septembre est résolue par sa culpabilité dans les attentats du 11 septembre : le premier crime prépare le second. Mais en pratique, cette évidence a fonctionné dans l’autre sens : la nouvelle de l’assassinat de Massoud par les Talibans alliés d’Al-Qaïda, diffusée partout en Occident le 10 septembre 2001, a préparé l’opinion publique mondiale à soupçonner instantanément les Talibans et leur hôte Ben Laden lors des attentats du lendemain.


Le 11-Septembre a-t-il été un nouveau « Pearl Harbor » ? A-t-on laissé Al-Qaïda détruire le World Trade Center (WTC) et tué des milliers d’innocents pour justifier une guerre, comme on avait laissé les Japonais détruire la flotte américaine et tuer des milliers de soldats pour justifier l’entrée dans la Seconde Guerre mondiale ? C’est la thèse soft du let-it-happen. Elle est relativement inoffensive, car l’ignorance délibérée d’une menace est facilement déguisée en négligence ou incompétence, et n’a jamais conduit aucun officier en prison — telle est la vraie leçon de Pearl Harbor. C’est pourquoi on peut se demander dans quelle mesure cette thèse n’est pas un garde-fou, un dispositif de cover-up ou de damage-control contre la thèse beaucoup plus dévastatrice du make-it-happen. Selon cette dernière, Ben Laden et Al-Qaïda sont innocents des attaques du 11-Septembre, qui constituent la plus grande opération sous fausse bannière jamais réalisée. Si la thèse paraît outrageusement invraisemblable à la majorité des gens décents, c’est à cause de leur ignorance de la politique profonde et de sa tradition d’attentats sous fausse bannére. L’Opération Northwood prouve bien que le National Security State est capable d’une telle turpitude.
Des centaines de milliers de citoyens américains, formant le 9/11 Truth Movement, sont aujourd’hui convaincus que « 9/11 is an inside job », c’est-à-dire que le 11-Septembre a été perpétré par un segment de l’État profond américain. Bien que traité avec mépris par les mainstream medias, le mouvement est maintenant rejoint par des élus comme les sénateurs Cynthia McKinney ou Mike Gravel, sans parler des dirigeants de pays non alignés comme Hugo Chavez pour le Vénézuéla ou Mahmoud Ahmadinejad pour l’Iran. Leurs arguments s’appuient sur les analyses techniques fournies par des ingénieurs et des pilotes de lignes, qui concluent à l’impossibilité de l’explication officielle, mais aussi sur des milliers de témoignages contradictoires de pompiers et survivants, et sur une multitudes d’invraisemblances analysées par des équipes indépendantes d’investigateurs, dont les principales ont été popularisées par des documentaires vidéos tels que la série des Loose Change, réalisée par Dylan Avery à partir de 2005 et vue 125 millions de fois sur Google Video. Ce chapitre et le suivant présentent un résumé de leurs arguments.

Ahmed Shah Massoud, le « lion du Panshir », était francophile et admirait particulièrement le général de Gaulle, celui qui, à la Libération, résista à la volonté de domination des États-Unis. Massoud était soutenu diplomatiquement par l’Europe et tout particulièrement par la France. En avril 2001, il fut invité au Parlement européen à Strasbourg, à l’initiative de sa présidente Nicole Fontaine.

La forteresse souterraine de Tora Bora où se serait caché Ben Laden, tirée d’un dessin publié dans le Times de Londres et commenté par Donald Rumsfeld dans l’émission Meet the Press de la chaîne NBC le 2 décembre 2001. "This is serious business. And there is not one of those, there are many of those."  Ces infrastructures souterraines high-tech n’existaient que dans l’imagination de quelques propagandistes américains, avant d’être implantées dans celle du public. Elles n’avaient pas plus de réalité que les « armes de destruction massive » de Saddam Hussein.

Hugo Chavez, président du Venezuela, 12 septembre 2006 : « Selon une hypothèse qui gagne du terrain, ces terribles attentats terroristes auraient été planifiés et mis à exécution par le pouvoir impérialiste états-unien contre son propre peuple […]. Les tours se sont écroulées en moins de neuf secondes, on ne peut donc exclure l’hypothèse d’un dynamitage […]. Un avion serait tombé sur le Pentagone, mais aucun fragment n’y a été retrouvé […]. Quel était le but poursuivi ? Il fallait justifier l’agression contre l’Afghanistan, l’Irak et la menace contre nous tous, y compris le Venezuela, qui a surgi aussitôt après les événements du 11 septembre. »

50 ANS D'ETAT PROFOND

de l'assassinat de Kennedy au 11-Septembre

(comparaison et perspective)  

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​"Une pilule rouge pour Forrest Gump"​ â€‹â€‹ 

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